Plus de quatre-vingts médecins limousins prennent leur responsabilité, s’appuyant sur des études scientifiques que nul ne peut plus ignorer, ils alertent sur la dangerosité de ces produits dont notre région n’est pas exempte, loin s’en faut, notamment sur les plantations d’arbres fruitiers.
Ils en appellent donc à la réaction urgente de chacun, qui ne pourra vraiment être effective qu’accompagnée d’un engagement ferme et clair des pouvoirs publics locaux et nationaux.
Car il faut être réaliste, cela suppose “d’inverser le processus de concentration des exploitations et d’y favoriser de manière significative l’accroissement de l’emploi agricole, condition incontournable d’une diminution réellement globale de l’utilisation des pesticides”. C’est tout dire de la justification économique des pesticides et de l’immense défi à relever par la société, celui de l’agroécologie.
Voici leur appel : ” Médecins, nous avons choisi le cadre de la semaine pour les alternatives aux pesticides afin de mettre en avant la dimension sanitaire dans ce débat. Elle ne le résume pas car la dimension environnementale est elle aussi incontournable … Nous tenons à préciser que nous ne cherchons pas à montrer du doigt une profession, mais que chacun doit prendre ses responsabilités. A nous d’assumer les nôtres en alertant sur les dangers de ces produits, particulièrement pour certaines catégories de la population (ceux qui y sont le plus exposés, ainsi que les femmes enceintes et les enfants).
Car des liens sont établis en milieu professionnel entre l’utilisation de pesticides et
certaines pathologies : Des cancers, « Les expositions professionnelles aux pesticides ont été plus particulièrement mises en cause dans les hémopathies malignes lymphoïdes. Des études en populations agricoles suggèrent leur implication dans les tumeurs cérébrales et dans les cancers hormono-dépendants (cancers de la prostate, du sein, des testicules, de l’ovaire »(1) des troubles neurologiques comme la maladie de Parkinson (2).
« chez l’enfant, l’utilisation domestique de pesticides, notamment d’insecticides
domestiques, par la mère pendant la grossesse et pendant l’enfance a été régulièrement associée aux leucémies et, à un moindre degré, aux tumeurs cérébrales »(1)
Surtout il faut rappeler, comme l’a fait l’INSERM que « près d’un millier de molécules ont été
mises sur le marché en France ; les risques liés à ces molécules ne peuvent être évalués faute de données toxicologiques et épidémiologiques suffisantes. »(1)
Si peu d’études ont porté sur l’ensemble de la population et les riverains, plusieurs
montrent toutefois que des expositions environnementales sont susceptibles de causer des cancers et des maladies de Parkinson. Comme aux Antilles avec la chlordecone (3) ou chez des riverains exposés à des fongicides de la famille des carbamates et à du paraquat (4).
Or personne ne le conteste, l’imprégnation de la population est générale : les pesticides
ont largement contaminé l’environnement, aussi bien les eaux de surface que les eaux de pluie, aussi bien les sols que nos organismes (90% de la population française est contaminée par les organophosphorés) (5). Plus préoccupant, dans la cohorte PELAGIE en Bretagne, seuls 1,6% des échantillons d’urine de femmes enceintes ne contiennent pas de trace des pesticides recherchés(6).
Mais si l’on retrouve une imprégnation à « faibles doses » dans la population générale,
cela n’est pas rassurant pour autant : en effet de nombreux pesticides sont des perturbateurs endocriniens, substances chimiques soupçonnées d’être l’une des causes de la recrudescence de certains troubles (infertilité, cancers hormonodépendants, obésité, etc.). Parce que leurs effets ne dépendent pas de la dose, mais de la période d’exposition, qu’ils ne sont pas linéaires, qu’ils s’ajoutent à ceux d’autres substances (effet cocktail) et qu’ils sont susceptibles d’être transgénérationnels, les perturbateurs endocriniens sont au centre d’une attention grandissante comme l’a reconnu Madame Delphine Batho, ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie lors du colloque international sur les perturbateurs endocriniens des 10 et 11 décembre 2012 (7).
Or comme le souligne le rapport sénatorial sur les pesticides et la santé (8), le cadre
réglementaire européen ne protège ni les agriculteurs ni les consommateurs puisque l’UE n’a toujours pas validé de méthode permettant de déterminer si un pesticide est un PE ou non. Il faudra donc beaucoup d’études, beaucoup d’argent et beaucoup de temps pour
objectiver plus avant ces risques sanitaires que l’on peut craindre dévastateurs.
Aussi nous souhaitons poser deux questions simples :
– Peut-on s’abstenir de prendre des précautions dès maintenant ?
Ce serait à nos yeux totalement inconséquent et irresponsable.
– Des alternatives, économiquement viables sont-elles possibles ?
Nous pensons que Oui, et elles sont connues.
C’est pourquoi les médecins signataires de ce texte se déclarent :
– solidaires des demandes d’interdiction des épandages aériens (9), et des
mesures de réduction des risques vis à vis des populations vivant à proximité des
cultures à forte utilisation de pesticides (signalisation sur les routes et chemins traversant
les zones d’épandages, distance de sécurité avec les habitations) et vis-à-vis des
agriculteurs (information sur les risques des produits et l’usage des protections individuelles par des institutions distinctes des vendeurs).
– solidaires des collectivités territoriales signataires de la charte zéro pesticide.
– Solidaires de toutes les initiatives qui permettront une transition vers des
filières agricoles n’utilisant pas de pesticides. A ce titre l’introduction de l’alimentation
biologique dans les cantines scolaires nous parait un moyen à la fois d’obéir à un principe de sécurité sanitaire et de structurer des filières utilisant les principes de l’agroécologie.
– Solidaires de tous les projets de transition de l’agriculture qui se proposent de
stopper et d’inverser le processus de concentration des exploitations et d’y favoriser de
manière significative l’accroissement de l’emploi agricole, condition incontournable d’une
diminution réellement globale de l’utilisation des pesticides.
Et demandent que notre Région Limousin s’engage résolument vers l’objectif d’une réduction de 50 % des pesticides à l’horizon 2020.”
Liste des médecins signataires au 15 mars 2013
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